1er avril 2022 - Le dernier jour d’une autre vie

Cela aurait pu commencer comme une mauvaise blague : être testée positive au Covid-19 un 1er avril. Malheureusement, la suite des événements ne prêtait pas vraiment à rire. Je pense souvent à ce jour, avec un peu de nostalgie. Ce vendredi 1er avril, le dernier jour d’une autre vie.

Tout a débuté par des symptômes que beaucoup auraient jugés banals : un rhume prononcé, une fièvre passagère. Mais ce dimanche soir, en me mouchant, mon oreille gauche s’est subitement bouchée, comme si le silence l’avait engloutie. Je n’ai pas paniqué immédiatement, attribuant cela à une simple congestion ORL. Cependant, la douleur qui s'est installée cette nuit-là m'a fait comprendre que quelque chose n'allait pas.

Le lendemain, une consultation virtuelle avec un médecin m'a valu une prescription de Doliprane. "Vous avez dû vous moucher trop fort". Mais la douleur s'est intensifiée, devenant quasi insupportable. La sensation persistante d’oreille bouchée devient pesante. Un jour plus tard, j’essaie d’appeler SOS médecin, pas de disponibilités. Quand tout à coup, vers midi, je commence à avoir la nausée et le monde commence à tourner, me plongeant dans des vomissements ininterrompus. On m’envoie finalement un médecin qui arrivera vers 1h du matin… La tête dans la bassine, il m’ausculte, prend son temps, rigole en montrant le fond de mon oreille à mon conjoint , “Juste une petite otite, cela devrait passer dans deux ou trois jours”. Une injection de Primperan pour les nausées, une ordonnance d’antibiotiques et de cortisone, il ne restait qu’à attendre.

Je passe les deux jours suivants au fond de mon lit, dans l’obscurité totale. Il m’est impossible de marcher seule, me retourner dans le lit est une épreuve. Vendredi, mon conjoint laisse filtrer un peu de lumière à travers les volets roulants. Une mélodie, “Asylums for the feeling” de Silent Poets soulage un peu la douleur, m'apportant un instant de sérénité. Et pour la première fois depuis des jours, je sens l’air frais sur mon visage et j’arrive un peu à manger. Mais, les jours passaient et mes symptômes n’évoluaient pas. Je trouve un rendez-vous le lundi chez un ORL sur Paris.

Cela fait déjà une semaine que je n’entends plus de l’oreille gauche. Dans la voiture, je ne peux pas tenir ma tête, je m’abandonne sur un coussin et le monde me semble extrêmement hostile. Mon conjoint m’aide à me déplacer jusqu’au cabinet. Diagnostic : Labyrinthite. L’ORL me met alors en contact avec la Fondation Rothschild. Quelques jours plus tard, un rendez-vous y était fixé.

Deux semaines déjà que j’ai perdu l’audition. Je ne peux toujours pas marcher seule. À la Fondation, on me dit qu’avec une perte d’audition totale, chaque jour est compté. Le verdict est glaçant : "vous êtes venue trop tard”. Ces mots, je les ai entendus plusieurs fois au cours des premiers mois de la maladie. Mais qu’aurais-je pu faire autrement ? Je commence au plus vite des injections d’antibiotiques et de cortisone à haute dose en hôpital de jour, en intraveineuse tout d’abord, puis directement dans mon oreille interne à travers le tympan. Ces moments à l’hôpital, allongée sur le côté, à attendre que la cortisone qui vient de m’être injectée dans l’oreille s’écoule lentement, me procurant une sensation d’étouffement et de vertiges, me semblent encore irréels. À la fin du traitement, le médecin me prescrit de la cortisone à haute dose pendant de nombreuses semaines et me demande de commencer au plus vite une rééducation vestibulaire. Le traitement a permis de faire régresser l’infection mais mes symptômes restant inchangés, la réalité bouleversante s’impose alors : je suis sourde de l’oreille gauche.

Musicienne et ingénieure du son depuis plus de dix ans, cette perte a renversé mon monde. Ainsi débutaient le travail d’acceptation, de deuil et la longue route vers la guérison.

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Réapprendre à marcher - La rééducation vestibulaire